Association SEUIL : Marcher pour s’en sortir

La marche est reconnue pour ses bienfaits sur la santé physique et psychique. On connaît en revanche moins son rôle social et plus particulièrement sur l’éducation et la réinsertion. C’est ce que je vous propose aujourd’hui en vous présentant l’association SEUIL et sa dernière enquête sur l’impact de ses marches.

Présentation de l’association SEUIL

L’association SEUIL, fondée par Bernard Ollivier, écrivain-voyageur et ancien journaliste, a fêté ses 20 ans. Reconnue comme lieu de vie et d’accueil innovant habilité à prendre en charge des adolescents de 14 à 18 ans et bénéficiant de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ou pris en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le cadre d’une mesure civile ou d’une mesure pénale, l’association SEUIL propose des marches éducatives. La première marche s’est déroulée en 2002 et depuis, l’association a accompagné 300 mineurs. Le nombre de marches est stable, avec 35 jeunes qui partent par an, en moyenne.

Pour un jeune, la marche éducative lui offre un éloignement de son milieu habituel, un épanouissement physique et un dépassement de soi, un mode vie sobre et salubre et une expérience de compagnonnage. La marche favorise un état mental d’équilibre, une bonne présence à soi-même, une situation psychique et du calme. L’itinérance procure au jeune un apaisement à travers des étapes quotidiennes de 15 à 30 km avec des temps de marche en silence, des repos réguliers permettant au jeune de s’installer durablement dans le projet de se reconstruire peu à peu avec dans le même temps, un apprentissage de l’autonomie.

La situation sanitaire actuelle ne crée pas un climat serein et Seuil n’a pas encore retrouvé son rythme mais la justesse de sa proposition, se confirme année après année. L’association espère bien retrouver avec l’été et la fin des restrictions sanitaires, un retour à une activité forte, fluide et régulière.

Mesures alternatives à la prison : Une étude démontre les bénéfices des marches éducatives pour les mineurs

L’association SEUIL avait déjà réalisé deux évaluations en 2012 et 2017 afin d’évaluer l’impact des marches. En 2020, l’association a décidé d’une nouvelle évaluation avec Bénédicte de Lataulade, sociologue. Celle-ci a analysé en 2020 une trentaine de marches réalisées par des adolescents avec l’association SEUIL. Son étude met en évidence les bénéfices des marches éducatives pour les mineurs.

Détail de l’enquête

Des marches de résilience

SEUIL organise des marches éducatives pour des adolescent(e)s en difficulté ou en rupture familiale, scolaire et/ou sociale, parfois engagés dans la délinquance, et plongés dans une situation sans issue.

Les jeunes sont incités à devenir les acteurs de leur propre réinsertion par une marche individuelle, de longue durée (2 à 3 mois – 1.000 à 1.600 km), en France ou à l’étranger, en compagnie d’un adulte.

L’association a été créée en 2003 par Bernard Ollivier, ancien journaliste, écrivain-voyageur : « L’enfermement n’est pas la solution. Le sentiment de liberté qu’offre la randonnée, le bonheur de se dépasser et surtout les rencontres qu’elle procure sont la vraie voie vers la résilience, cette capacité à se remettre d’un traumatisme » décrit par Boris Cyrulnik.

Redonner confiance pour construire un projet de vie

En s’engageant dans le défi physique et mental que représente cette marche, l’adolescent :

  • Découvre un environnement nouveau qui rompt avec ses anciennes habitudes
  • Réalise un apprentissage de l’autonomie, de ses libertés comme de ses exigences ;
  • Partage d’intenses moments d’épreuves ou de joie avec son compagnon de route
  • Éprouve le plaisir de rencontres entourées de bienveillance avec d’autres randonneurs ;
  • S’initie naturellement au temps long, au silence, et à la réflexion

L’expérience, avec la gradation de toutes les épreuves traversées et réussies, redonne une grande confiance à l’adolescent et le conduit progressivement à construire un projet de réinsertion pour son retour de marche.

L’équipe éducative de Seuil est en contact téléphonique permanent avec l’adulte accompagnant la marche ; elle aide le duo à résoudre les éventuelles difficultés et se déplace sur le lieu de la marche chaque fois que nécessaire ; elle assure les relations avec la famille, les éducateurs ou le juge.

Les services de l’Aide Sociale à l’Enfance – ASE -, qui ont reconnu à l’association le statut de Lieu de Vie et d’Accueil en 2014, et ceux de la Protection Judiciaire de la Jeunesse – PJJ -, qui ont établi en 2013 un partenariat durable avec elle, reconnaissent la validité de ces marches éducatives.

« Le seul fait de partir est déjà une victoire »

Selon les conclusions de Bénédicte de Lataulade :

  • Près de 60% des jeunes entament effectivement un parcours de réinsertion au retour de leur marche (rappelons que 75% des mineurs incarcérés récidivent à leur sortie de prison quand
    cette sortie n’est pas accompagnée) ;
  • 84% des éducateurs estiment que la marche est un succès même si le jeune n’est pas allé jusqu‘au bout : « le fait de partir est déjà une victoire».

Moins coûteux qu’une incarcération et avec moins de récidive à la sortie, SEUIL doit développer son action.

Les effets positifs des marches sont indéniables : Les études le montrent, les éducateurs en sont persuadés.

En accueillant 35 adolescents chaque année (y compris dans la période de pandémie actuelle), SEUIL a certes doublé son activité depuis 5 ans, mais celle-ci reste marginale. Faute de moyens, Seuil reste absent de la moitié des départements français, alors que plusieurs milliers de jeunes y sont pris en charge par la PJJ ou les services d’aide sociale à l’enfance, et qu’une marche SEUIL serait justifiée pour beaucoup d’entre eux. L’objectif de l’association est de doubler en trois ans le nombre de jeunes accueillis. Quand on sait qu’un jeune accueilli par SEUIL coûte jusqu’à moitié moins cher qu’un jeune incarcéré, et récidive moitié moins, il est d’intérêt public, et il est plus que temps, que la puissance publique augmente les moyens qu’elle accorde à l’association !

SEUIL organise du 1er au 27 août 2021 une exposition « Marcher pour s’en sortir » au musée Prison des Evêques à Saint-Jean-Pied-de-Port avec une conférence de Bernard Ollivier le vendredi 27 août (voir photo ci-dessus).

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