Jean-Marie Rouault. 8 juin 2019, à Ribeauvillé / Vainqueur du Paris Alsace

Entretien avec Jean-Marie Rouault, après sa victoire sur le Paris-Alsace 2019

Jean-Marie Rouault. 8 juin 2019, à Ribeauvillé / Vainqueur du Paris Alsace
Jean-Marie Rouault. 8 juin 2019, à Ribeauvillé / Vainqueur du Paris Alsace

Une semaine jour pour jour après l’arrivée du Paris-Alsace 2019, Jean-Marie Rouault revient en exclusivité sur Culture Marche, pour évoquer son deuxième succès sur l’épreuve mythique. Un Grand MERCI pour sa disponibilité !

Déjà bravo pour votre victoire sur le Paris-Alsace 2019 ! Une semaine après l’arrivée et votre victoire, pouvez-vous dire si vous avez récupéré ou faut il encore plus de temps pour ne plus ressentir de douleurs, de fatigue….. ? Dans l’ensemble, je récupère bien, mais il reste de la fatigue générale, il me faut donc faire encore de longues nuits de sommeil. Musculairement, je n’ai pas de blessure ni courbature. Les pieds ont comme toujours un peu souffert avec simplement quelques ampoules qui se résorbent. Je devrais reprendre le footing dès la semaine prochaine pour récupérer encore plus vite. Je suis attendu sur un Trail en Corse le 14 Juillet prochain.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous gérez une semaine comme celle qui vient de passer pour vous assurer une récupération optimale ? Je me force à faire de longues nuits de sommeil, pas d’activité physique, mais je ne cesse pas de travailler et le quotidien reprend sa place. J’insiste un peu sur l’alimentation pour reprendre 3 Kg.

jeanmarieVous aviez déjà remporté l’épreuve en 2013 en détrônant le russe Dmitry Osipov. Vous n’aviez donc rien a prouver sur cette édition. Le mental joue un rôle très important sur ce genre d’épreuve. Est ce que je me trompe ? Ou on peut dire que vous êtes parti avec un gros mental et une seule envie, remporter le Paris-Alsace 2019 ? Après ma victoire en 2013 et une lutte sévère avec Dmitry OSIPOV, j’avais pris le temps pour donner une suite sur les épreuves de marche de grand fond. Avec la complicité de mon équipe et de mes partenaires, nous avons décidé un COMEBACK en 2016 pour obtenir une deuxième victoire et être le seul français à gagner « Paris Colmar » puis « Paris Alsace ». Malheureusement j’entrais dans une période avec des difficultés professionnelles qui ne me permettaient pas d’être à la hauteur de projet mais j’ai tout de même terminé à la troisième place. Là encore, j’ai préféré prendre du temps et privilégier mes activités professionnelles avant de décider de revenir en 2019. La décision s’est prise pendant l’édition 2018 du « Paris Alsace » alors que j’accompagnais un marcheur Eric TOUTAIN sur l’épreuve de « La Nocéenne ». je me suis fixé trois objectif : Gagner les 24H00 de Wadelincourt, gagner les championnats de France de marche athlétique de grand fond à Bourges puis gagner le « Paris Alsace ».

Vous avez très rapidement pris de l’avance… C’était important pour vous ? Pourquoi n’êtes-vous pas resté tranquillement avec Florian Letourneau et Alexandre Forestieri, qui sont restés longtemps ensemble ? Le scénario était écrit de mon coté comme toujours, je ne fais rien au hasard. L’objectif était d’arriver à Bar Le Duc avec une moyenne de 8,2 KM/H. Personne n’est en mesure de tenir cette moyenne et j’étais très préparé pour tenir cette moyenne sans me mettre dans le rouge. En compétition, je ne m’occupe pas de mes concurrents sur la première partie de l’épreuve. J’étais au-dessus de allure programmée et j’ai effectué plus de 200KM en 24H00. Ma moyenne a été relevé à 8,3KM/H à Bar Le Duc tout en levant un peu le pied sur les trois dernières heures afin de faire un retour au calme pour le repos de 2 heures. Les écarts étaient alors très importants avec plus de 3 heures sur mes poursuivants.

On a relevé lors de la présentation l’absence des russes Dmitryi Osipov et Irina Poutintseva, tous deux ancien vainqueur. .et pourtant inscrits …Savez vous pourquoi ils ne se sont pas présentés au départ ? Tout le monde connait les raisons. Pour Irina, des problèmes de santé l’obligent à rester au repos. Elle aurait tellement souhaité avoir un nouveau titre l’année de ses 50 ans. Elle était à l’arrivée et sur le podium après la course. Connaissant Irina, nous avons eu beaucoup de plaisir de l’avoir avec nous à l’arrivée Pour Dmitry, la raison est d’abord financière. Il est évidant que venant de l’étranger, il est très difficile de participer à cette épreuve qui engendre des coûts et ne rien gagner en retour. Aucun français ne se rend sur les épreuves à l’étranger, qui plus est, ne rapportent rien même en cas de victoire. Ensuite, je suis convaincu que Dmitry n’était pas dans une très grande forme ces derniers temps à en juger sur ses dernières prestations (28H00 de Roubaix, Grand EST) et il savait que je ne me présentais pas pour faire de la figuration…

Revenons à la course. Vous terminez dernier sur la première étape. J’ai cru voir qu’il s’ agissait d’un choix stratégique…Est ce le cas ? En effet, le prologue n’a aucun intérêt et je ne veux surtout pas faire l’erreur d’aller vite au risque de me faire mal. Le circuit est sans intérêt, mais j’étais tout de même à une moyenne de 9,3KM/H.

Concernant la météo capricieuse en ce moment, a t-elle été difficile à gérer ? Pour moi la météo a été très favorable. A l’exception de deux averses au départ de Château Thierry puis à Charly, nous n’avons pas eu de pluie, nous n’avons pas souffert de chaleurs excessives et le vent était toujours en notre faveur. Les températures étaient excellentes même la nuit.

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Jean-Marie Rouault, 7 juin 2019, sur la route d’Epinal

Comment gère t-on une étape comme la deuxième avec plus de 300 km ? Je devais maintenir un rythme soutenu sans être en surrégime. J’étais entraîné et préparé pour cela, c’est pourquoi ma moyenne est très élevée et la différence s’est vite faite face à mes concurrents. Il n’y a pas eu de surprise. Tout était programmé et a été respecté.

Malgré l’avance importante que vous aviez. Est ce qu’il vous est arrivé de douter ? Je n’ai jamais douté. Avec une avance importante, le problème était de rester motivé, car il n’y avait plus de course. Dans mon esprit, c’était fini à Bar Le Duc, mais il fallait poursuivre pour arriver à Epinal et la journée de vendredi a été longue. Je pouvais m’arrêter 4 heures pour me reposer, mais j’ai joué le jeu pour en finir au plus vite sans forcer tout en augmentant mon avance.

L’abandon de Florian Letourneau a été un coup dur,…avez vous eu de ces nouvelles ? J’ai appris son arrêt sans en connaitre la raison. A partir de ce moment, je savais que la course était terminée. J’ai reçu dans la journée du vendredi des infos sur sa santé qui mon rassuré. C’est pour lui une mauvaise saison avec trop de contre-performances. Il devrait prendre un peu de recul et analyser l’ensemble, il en reviendra plus fort.

Deux victoires sur le Paris Alsace, en 2013 et 2019…..la plus belle c’est la première ou la seconde ? Sans aucun doute la plus belle est celle de 2013, car j’apportais une victoire française attendu pendant 20 ans et surtout je détrônais Dmitry OSIPOV avec une belle bataille et une moyenne à plus de 8KM/H. L’organisation de cette époque était remarquable avec beaucoup de monde et de médias. Pour 2019, dès le départ il n’y avait pas de surprise, sans accident je devais reprendre le titre logiquement. Forcé de constater que le niveau est faible en marche de grand fond. Je dois être le seul à pouvoir faire plus de 200KM en 24H00.

Depuis quand aviez-vous préparé l’édition 2019 ? La décision a été prise au cours de l’épreuve de 2018. Aux vues des performances de mes concurrents en 2018, j’ai compris que je pouvais encore aller chercher des titres. Je voulais gagner l’année de mes 55 ans. Je suis le marcheur le plus âgé à avoir remporté cette épreuve depuis le début en 1926.

Jean-Marie Rouault et Alexandre Forestieri
Jean-Marie Rouault et Alexandre Forestieri

Votre entraînement pour gagner un Paris Alsace vous pouvez nous en dire quelques mots ? Mon entraînement est basé en trois phases sur 12 mois et tout est préparé et écrit à l’avance. Phase 1 : de Juin 2018 à août 2019 avec une première partie de remise en forme puis 8 semaines d’entraînement avec 1 000 KM, une compétition les 24H00 de Wadelincourt et 1 mois de repos. Phase 2 : de Décembre 2018 à Février 2019 avec encore de longues séances et 1 000KM d’entraînement, une compétition, les championnats de France de 24H00 à Bourges puis 1 mois de repos. Phase 3 : de Mars 2019 à Juin 2019 et encore 1 000KM d’entraînement pour arrivée sur l’épreuve de « Paris Alsace ».

On évoque rarement les personnes qui entourent le marcheur. Pouvez-vous nous présenter votre équipe ?  

  • ROUAULT Jean-Marie : Marcheur et responsable de l’équipe.
  • MAZABRAUD Philippe (beau-frère), ROUAULT Vincent (frère), LUDGER Véronique (sœur) : Suiveurs en vélo ou à pied à l’écoute permanente du marcheur – Liaison entre le Camping-Car et le marcheur – Suivre les indications du parcours – Sécuriser le marcheur sur le parcours – Ravitaillé le marcheur suivant le programme établi
  • PAILLOUX Jacky (beau-frère), LUDGER Emmanuel (beau-frère), CERDAN Patrick (ami) : Chauffeurs du Camping-Car.
  • ROUAULT Françoise (épouse), ROUAULT Jordan (fils) : Ravitailleurs dans le Camping-Car – Préparer les ravitaillements du marcheur suivant le programme établi – Gérer la musique pour le marcheur – Communiquer avec l’intendance
  • VOSSION Bruno (beau-frère), Vossion Sylvie (belle-sœur), ROUAULT Delphine (sœur) : Logistique avec un camion d’assistance – Restauration pour nourrir les membres de l’équipe – Gestion des camps de base.
  • ROUAULT Corinne (sœur), PAILLOUX Jacky : Intendance avec deux voitures d’assistance rapide – Gestion des hôtels – Gestion des voitures – Relation avec les partenaires – Communication – Chronométrage.

Et maintenant vous avez quoi en tête un nouvel objectif ? le Paris Alsace 2020 ? Je suis dans une phase de repos et d’analyse sur ce qui s’est passé. Des décisions se prendront à la fin de l’été 2019 mais entre temps je serai présent sur différentes compétition de course à pied. Maintenant, je reprends mon rôle de directeur technique de l’association « Les Foulées du Monde » pour organiser notre 25ème édition des « Défis du Chott » dans le désert sud Tunisien où nous attendons plus de 300 Français sur les distances de 10, 20 et 30Km. Pour « Paris Alsace » il faudra que l’organisation nous montre autre chose. Cette épreuve ne peut pas continuer en l’état.

Merci ! Un dernier mot peut être ? A très bientôt sur les routes, les chemins, le sable,… le meilleur reste à venir…

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